L’EXPLORATION DES CONJONCTIVITES ALLERGIQUES CHEZ L’ENFANT A l’occasion des Journées Parisiennes d’Allergie (JPA) une Table Ronde a réuni Allergologues, Pédiatres, Ophtalmologistes et biologistes. Au cours des deux dernières décennies, la fréquence des maladies allergiques de l’enfant et de l’adolescent a plus que doublé. Les conjonctivites allergiques (C.A) isolées ou non représenteraient environ 15% des conjonctivites et peut être plus chez l’enfant mais il n’y a pas eu d’études épidémiologiques récentes à notre connaissance. Elles constituent la manifestation la plus fréquente de l’allergie oculaire. Elles se situent à la frontière de deux disciplines : l’OPHTALMOLOGIE et l’ALLERGOLOGIE, ce qui explique les difficultés dans leur prise en charge. Cependant le rôle du GENERALISTE, souvent consulté en premier, est essentiel pour un diagnostic et une prise en charge précoces. Le M.G peut faire le diagnostic en interrogeant minutieusement le patient. Cela permet de classer les signes fonctionnels par ordre hiérarchique. Les deux seuls signes évocateurs mais non pathognomoniques sont : - le prurit de la surface oculaire et au niveau des angles externes et internes. - l’œdème des paupières, souvent asymétrique, survenant par crises imprévisibles. D’autres signes sont moins évocateurs : - La rougeur conjonctivale. - la photophobie qui est plutôt un signe de kératite ou d’uvéite antérieure présentant à priori un caractère de gravité. - Enfin, le larmoiement et la fatigue oculaire, les sensations de brûlure ou de cuisson qui sont aussi des signes d’irritation conjonctivale non spécifique. L’interrogatoire précise les antécédents allergiques personnels ou familiaux. Il recherche les manifestations allergiques associées : rhinite, asthme, trachéite, urticaire ou eczéma, allergies alimentaire, professionnelle ou médicamenteuse. L’histoire de la maladie doit être détaillée. Le mode évolutif est décrit : - début aigu (traumatisme, infection) ou chronique ou répétitif. Evolution d’un seul tenant, intermittent, perannuelle ( acariens, animaux…),par intermittence (conjonctivite printanière liée à l’ensoleillement) ou saisonnière (pollens).
L’INTERROGATOIRE précise : - L’utilisation éventuelle de lentilles de contact, de médicaments, de collyres, de produits cosmétiques ou ménagers. - Un tabagisme éventuel, la profession du patient, l’influence du lieu d’habitation ou de travail, du climat humide ou sec. - La réponse aux traitements antérieurs.
L’EXAMEN DES YEUX. Il comprend toujours une étude de l’aspect du visage et surtout du bord des paupières (blépharite associée, eczéma palpébral…), des cils, des larmes, de la cornée, et bien entendu de la conjonctive bulbaire et palpébrale.. L’éversion de la paupière supérieure est un geste essentiel. Bien que ne disposant pas de biomicroscope, tout médecin peut en examinant la paupière éversée rechercher : -un chemosis : œdème conjonctival formant un bourrelet cornéen (conjonctivite aigüe) - des zones d’atrophie visibles en cas d’allergie ancienne - des follicules ou petits nodules arrondis translucides saillant sur l’épithélium, évoquant une conjonctivite perannuelle, une allergie microbienne ou de contact, - des papilles, bourgeons charnus pouvant dépasser un millimètre évoquant une conjonctivite printanière ou giganto-cellulaire. Cet examen permet très souvent au M.G d’éliminer une blépharite, un eczéma palpébral, un chalazion, une sécheresse oculaire ou une meibomite, une infection oculaire simple, mycosique ou parasitaire (démodex dans les cils). UN EXAMEN CLINIQUE COMPLET recherche des manifestations allergiques associées : rhinite, asthme, autres localisations d’eczéma. L’examen clinique et surtout l’interrogatoire minutieux facilitent un diagnostic précoce et font gagner du temps. Ainsi le généraliste peut : identifier le terrain allergique et les antécédents du patient, orienter le diagnostic étiologique (acariens, pollens, moisissures, squames et poils d’animaux, allergènes de contact…), rechercher des foyers infectieux, ORL ou dentaires. éliminer certains diagnostics différentiels. et traiter ou soulager, ne serait-ce que par un traitement symptomatique et éventuellement des conseils d’é viction allergénique, le patient. Le plus souvent les conjonctivites allergiques sont bénignes mais toute notion de baisse de l’acuité visuelle, de brouillard et/ou de douleur oculaire nécessite une consultation rapide. Dans un deuxième temps, le médecin traitant peut demander l’avis : - de l’ophtalmologiste pour un examen approfondi de l’œil grâce au biomicroscope, - de l’allergologue qui pratiquera des tests cutanés pour préciser le ou les allergènes en cause en vue d’une prise en charge globale de la maladie allergique avec localisation multiple. Devant une conjonctivite allergique chronique, récidivante , invalidante, et/ou résistant à un traitement simple surtout si elle est corticodépendante nécessite une consultation spécialisée et parfois des examens complémentaires. Des examens biologiques généraux peuvent être intéressants : Les tests multi-allergéniques tels que le PHADIATOP ou le MAST-CLA, dont les résultats sont à confronter à la clinique, ne peuvent que confirmer le terrain atopique souvent évident dès l’interrogatoire. Ils ont peu d’intérêt, surtout en allergie oculaire, car fréquemment faussement négatifs. Les dosages des IgE spécifiques, (RAST) valables surtout pour les aéroallergènes et les allergènes alimentaires (trophallergènes) ne doivent être demandés en première intention que si les tests cutanés sont irréalisables (dermographisme, eczéma ou urticaire tenace…). Ils sont demandés en deuxième intention par l’allergologue s’il y a discordance entre la clinique et le résultat des tests cutanés Des examens tels que le dosage des IgE totales ou spécifiques des larmes, test de provocation conjonctivale, du ressort du spécialiste, sont rarement nécessaires. CONCLUSION : Les conjonctivites allergiques, fréquentes chez l’enfant (les pollens sont souvent en cause) présentent en gén éral une évolution favorable. Le médecin traitant a un rôle capital dans le diagnostic, le traitement symptomatique et la prévention de ces conjonctivites. Il se doit cependant d’être vigilant. Le risque possible de complications justifie l’avis de l’ophtalmologiste d’emblée ou en deuxième intention et plus tard l’avis de l’allergologue. l’examen bio-microscopique, essentiel, ne peut être pratiqué que par l’ophtalmologiste. La paupière supérieure est éversée après luxation du tarse. Les signes sont variables, bilatéraux ou unilatéraux, ne correspondant pas toujours aux signes fonctionnels. Cet examen permet de différencier par exemple : - La conjonctivite perannuelle, le plus souvent due à une allergie aux acariens. Il n’y a pas d’aspect typique. Ce sont surtout les conjonctives palpébrales supérieures qui sont touchées et présentent des formations papillaires non spécifiques. -La kératoconjonctivite printanière, fréquente chez l’enfant, rare chez l’adulte/limbique ou palpébrale/pavimenteuse, oedémateuse, ou atrophique. -La conjonctivite saisonnière aiguë, due à une allergie aux pollens (d’arbres, ou de graminées, ou d’herbacées…), dont l’aspect est en général papillaire, provoque souvent un chémosis et/ou des gonflement palpébraux. L’aspect de la conjonctive peut être normal ou subnormal (conjonctivite débutante, pollinose hors saison). L’examen ne trouve parfois que des aspects moins spécifiques tels des zones d’atrophie témoignant de l’ancienneté de la conjonctivite. Cet examen permet surtout d’éliminer les nombreux diagnostics différentiels de cette maladie. Toute attitude diagnostique et donc thérapeutique sera guidée par les signes fonctionnels car aucun de ces signes n’est spécifique d’une allergie. L’ENQUETE ALLERGOLOGIQUE AVEC TESTS CUTANES. Elle est réalisée par l’allergologue à la demande de l’ophtalmologiste. Elle est demandée par ce dernier s’il trouve des éléments en faveur de l’allergie, avec nécessité de recherche d’allergène(s) précis en vue d’une meilleure prise en charge. Après avoir repris l’interrogatoire pour le compléter, l’allergologue fait un examen clinique complet et recherche des manifestations allergiques associées extraoculaires (rhinites, asthme, autres localisations d’eczéma.). Les tests cutanés Ces tests simples et spécifiques sont pratiqués en première intention pour identifier : d’éventuel(s) allergène(s) responsable(s) d’allergies de type immédiat (Prick-test ou intradermoréaction plus rarement). d’éventuels allergènes de contact (Patch-test) à l’origine d’une réaction de type retardé, plus souvent responsable d’un eczéma des paupières associé à la conjonctivite. Le résultat de ces tests doit être confronté à la clinique EXAMENS BIOLOGIQUES examens généraux. L’éosinophilie de peu de valeur doit être supérieure à 400 par mm3. Le PRIST (Paper Radio Immuno-Sorbent Test) dose les IgE totales. Positif s’il supérieur à 150 UI/ml chez l’adulte. Ce n’est le cas que dans 25 à 30 % des conjonctivites allergiques. Le RAST (Radio Allergo Sorbent Test) dose les IgE spécifiques. Il est valable surtout pour les pneumallergènes et les trophallergènes (alimentaires). Le résultat du P.R.I.S.T et du R.A.S.T peuvent être faussement positifs ou négatifs. Leur prescription d’emblée ou en complément de test multi-allergénique ( ex : PHADIATOP) n’est justifiée que s’il y a discordance entre la clinique et le résultat des test cutanés toujours réalisés préalablement. Le test multiallergénique, puis lorsqu’il est positif, le dosage des Ige spécifiques à un ou plusieurs allergènes (R.A.S.T, par exemple)ne sont demandés en première intention que si les tests cutanés sont irréalisables. C’est le cas par exemple, lorsqu’il est impossible d’arrêter les antiH1 ou en cas de peau à problèmes (dermographisme, eczéma tenace…) – Examens immunologiques des larmes éosinophilie évoquant une allergie locale. IgE totale : le prélèvement en bandelettes de papier filtre est une méthode, sensible (sensibilité inférieure de 0,35 UI/ml). La sensibilité du dosage s’inscrit entre le test cutané et le PRIST permettant d’objectiver pour un allergène perannuel comme les acariens. On notait 5 à 10 % de réaction positive pour des tests cutanés négatifs. Mais le STALLERDIAG a été supprimé récemment pour des raisons commerciales .Il sera sans doute remplacé par un autre test. Au niveau local, le dosage des IgE spécifiques, de l’histamine et d’autres médiateurs n’est pas réalisé en pratique courante. TESTS DE PROVOCATION LOCAUX. Le C.P.T. (conjonctival provocation test) est utile pour évaluer la cytologie et les médiateurs (prostaglandines, leucotriènes). Sa comparaison avec les tests cutanés montre 70 % à 87 % de concordance. Le C.P.T. a cependant été étudié pour des allergies aigües bien définies (pollens). Long et astreignant, son indication doit être limitée aux allergies à test négatif ou due à des allergènes rares (Ce n’est pas un test de routine). LES FORMES CLINIQUES Les formes cliniques ne seront pas développées ici. Elles découlent en partie de la classification française. TRAITEMENT DES CONJONCTIVITES ALLERGIQUES. Il doit prendre en compte tous les facteurs : éradication des foyers infectieux. Eviction des allergènes quand elle est possible, notamment à la maison. Il comporte aussi : les collyres antidégranulants dont il existe plusieurs sortes. Le cromoglycate de sodium (DSCC) en est la plus classique. les collyres antihistaminiques, souvent efficaces dans les formes aiguës ; les collyres anti-inflammatoires souvent à base de cortisone, conseillée dans les cas plus sévères en éliminant tout traitement prolongé. le traitement des facteurs associés (troubles de la réfraction et de la convergence, hétérophories, photosensibilisation, syndrome sec, …). Des antiH1 par voies générales, surtout en cas de rhinite allergique associée. La désensibilisation spécifique (D.S), si l’allergène est identifié, apporte un confort considérable au patient. Les doses sont augmentées progressivement jusqu’à la dose optimale efficace et tolérée. Mais environ 25 % des conjonctivites échappent à cette méthode thérapeutique. La D.S concerne surtout les acariens, les pollens et les phanères d’animaux (chien, chat, …). CONCLUSION Les conjonctivites allergiques souvent rencontrées, saisonnières ou perannuelles représentent la première localisation de l’allergie oculaire en consultation. Leur prise en charge nécessite d’abord un diagnostic précis par l’ophtalmologiste et un bilan allergologique rigoureux pour orienter un traitement. Une collaboration étroite et suivie entre l’ophtalmologiste et l’allergologue est d’autant plus nécessaire que ces conjonctivites sont souvent associées à l’atteinte d’autres organes (rhinites, asthme ou eczéma), ou à des phénomènes non allergiques. Le succès thérapeutique est à ce prix.
Docteur F..MARMOUZ Allergologue Attaché au Centre d’Allergie de l’Ouest Parisien Hôpital Louis Mourier , COLOMBES
Nous tenons à remercier, pour ses cons eils, Monsieur le Docteur L.HELLEBOID, Ophtalmologiste. Consultation d’Allergologie/ Service du Professeur F.LEYNADIER/ Hôpital Tenon, Paris
Références bibliographiques LEONARD BIELORY , MD, - Immunology And Allergy Clinics Of North America, February 1997. E.BLOCH-MICHEL, L.HELLEBOID, D.HERMAN, F.MARMOUZ, E.VADOT L’Allergie Oculaire, 1 vol., 1999, Institut UCB de l’Allergie. Auteur : Farid MARMOUZ
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Mai 2018
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